Les jambes de l’homme étaient enflées au point d’être comparables à des troncs d’arbre lorsqu’il s’est présenté pour la première fois à la clinique de la fonction cardiaque de l’Institut de cardiologie Mazankowski de l’Université de l’Alberta au printemps 2021.
Le directeur de la clinique, le Dr Gavin Oudit, savait qu’une telle accumulation de liquide signalait une insuffisance cardiaque avancée; la fonction cardiaque de l’homme était probablement réduite à une fraction de sa capacité normale. Des tests ont confirmé ce diagnostic.
Le Dr Oudit était estomaqué de constater que cet homme avait attendu à ce point avant d’obtenir des soins médicaux pour ses symptômes qui n’auguraient rien de bon. La pandémie de COVID-19 l’avait retenu jusque là.
« Les gens enduraient leur maladie aussi longtemps que possible, jusqu’à ce qu’ils n’en puissent plus, parce qu’ils avaient peur d’aller à l’hôpital », a déclaré le Dr Oudit.
Des patients durement touchés
Le Dr Oudit, cardiologue et chercheur subventionné par Cœur + AVC, estime que les retards de diagnostic et de traitement causés par la pandémie peuvent avoir de lourdes conséquences pour la santé des personnes atteintes d’une maladie du cœur ou ayant subi un AVC.
Il n’est pas le seul à le croire : dans le cadre d’un sondage* mené par de Cœur + AVC auprès de professionnels de la santé et de chercheurs sur l’impact de la pandémie de COVID-19 , la plupart des 370 répondants ont indiqué être du même avis.
Le sondage a révélé un consensus marqué en ce qui concerne les conséquences pour les personnes touchées par une maladie du cœur, un AVC ou un déficit cognitif d’origine vasculaire :
- Parmi les répondants, 90 % ont dit craindre que l’état de santé des personnes vivant avec une maladie du cœur, un déficit cognitif d’origine vasculaire ou les séquelles d’un AVC se soit détérioré parce qu’elles n’ont pas toujours pu accéder aux soins dont elles avaient besoin pendant la pandémie.
- Selon 82 % des répondants, les retards de diagnostic et de traitement entraînant une dégradation de l’état de santé constituent le principal problème découlant des perturbations causées par la pandémie pour les personnes vivant avec une maladie du cœur ou les séquelles d’un AVC.
- Parmi les répondants, 90 % ont indiqué craindre que les communautés qui ont subi de façon disproportionnée les effets néfastes de la pandémie continuent d’en subir les conséquences.
Les conséquences sur la recherche
Les gens enduraient leur maladie [...] jusqu’à ce qu’ils n’en puissent plus.
La pandémie a également ralenti ou bloqué les progrès de recherches vitales sur la santé cardiaque et cérébrale, selon 78 % des répondants au sondage. Comme les mesures de santé publique imposaient l’interruption du recrutement pour certains essais, de nombreux professionnels de la santé se sont ralliés pour lutter contre la COVID-19 et ont dû mettre leurs travaux de recherche en attente.
Heureusement, les travaux du Dr Oudit n’ont pas été touchés par cette interruption. Son laboratoire de recherche est même plus occupé que jamais en raison de ses travaux précurseurs menés depuis bien des années sur l’enzyme de conversion de l’angiotensine-2 (ACE2), une protéine présente à la surface des cellules. Ses recherches antérieures, soutenues par les donateurs de Cœur + AVC, consistaient à étudier le rôle de l’ACE2 dans les maladies cardiovasculaires, notamment les maladies du cœur et l’AVC.
Ses travaux ont révélé que l’ACE2 agit comme un récepteur qui permet au virus de la COVID-19 de pénétrer les cellules, causant ainsi la maladie.
Le Dr Oudit a rapidement mis l’expertise de son équipe à profit pour approfondir la question. L’équipe a conclu que les niveaux élevés d’ACE2 dans le plasma sanguin étaient un fort indicateur de séquelles importantes chez les personnes atteintes de COVID-19. Ses travaux se poursuivent actuellement pour trouver des traitements qui réduiraient les effets du virus.
Quelques prévisions
Bien que le Dr Oudit soit enthousiasmé par le potentiel de cette recherche, il s’inquiète de l’impact à long terme de la pandémie, notamment en ce qui concerne les comportements sains qui réduisent le risque de maladies du cœur et d’AVC.
Comme de nombreuses personnes prennent du poids et font moins d’activité physique pendant les périodes de confinement obligatoire, il s’attend à ce que certains facteurs de risque de maladie du cœur, comme l’obésité, l’hypertension artérielle et le diabète précoce, deviennent plus courants. « Nous devons nous réactiver, reprendre contact et nous remettre à faire de l’exercice. »
Le Dr Oudit estime que la pandémie a notamment permis de prendre conscience de l’importance de l’activité physique, mais aussi des conséquences d’en faire trop peu.
C’est un point de vue partagé par beaucoup de répondants à notre sondage : 72 % d’entre eux sont d’avis que la pandémie a fait voir l’importance d’accorder une attention accrue à la promotion de la santé et à la prévention des maladies.
Le Dr Oudit est plutôt optimiste quant aux leçons de ce genre que nous tirerons de la pandémie, même si les défis qui en découlent persistent encore bien des années.
« Je pense que certaines mesures, comme le port du masque à l’hôpital, deviendront monnaie courante », affirme-t-il. Il prévoit également que les soins virtuels prennent une place accrue dans le système de santé, ce qui contribuera à améliorer l’accès pour certains patients.
72 %
des répondants au sondage sont d’avis que la pandémie a fait voir l’importance d’accorder une attention accrue à la promotion de la santé et à la prévention des maladies.
À propos de la pandémie, il exprime le souhait suivant : « J’espère que nous serons bien mieux préparés si la situation se produit de nouveau. »
* Le sondage de Cœur + AVC a été mené du 16 août au 7 septembre 2021, en collaboration avec Environics Research. On comptait parmi les répondants des chercheurs en santé cardiaque et cérébrale, des neurologues, des cardiologues, des médecins de famille, des urgentologues, du personnel infirmier, du personnel paramédical, des professionnels en réadaptation et d’autres professionnels paramédicaux, des pharmaciens, ainsi que des dirigeants et des décideurs du système de santé.