Quels effets peuvent avoir une malformation cardiaque sur la santé cérébrale?
Les effets d’une cardiopathie congénitale sur le cerveau ne sont pas bien compris. La Dre Thalia Field souhaite remédier à cette situation.
Chapitre 1 Le lien cœur-cerveau
La Dre Thalia Field est une neurologue spécialiste de l’AVC. Sa carrière est axée sur la santé cérébrale, afin de prévenir l’AVC, de traiter l’AVC et d’aider ses patientes et patients à obtenir le meilleur rétablissement possible après un AVC.
Alors pourquoi mène-t-elle une étude de recherche importante auprès de personnes nées avec une malformation cardiaque?
L’affection est désignée sous le nom de cardiopathie congénitale, et la Dre Field reconnaît ne pas avoir rencontré ce type de maladies très souvent plus tôt dans sa carrière, à l’exception d’une malformation particulière : un trou dans le cœur pouvant déclencher un AVC chez les jeunes adultes par ailleurs en bonne santé.
« Les neurologues spécialistes de l’AVC chez l’adulte avaient une vision très étroite des cardiopathies congénitales », indique-t-elle.
Cependant, cette vision a changé pour elle, grâce à un collègue qui traite des enfants ayant subi un AVC et voit beaucoup de patientes et patients atteints d’une cardiopathie congénitale. Il a proposé de mener des travaux de recherche pour explorer les effets des cardiopathies congénitales sur le risque d’une personne de subir un AVC au fil du temps.
« Je m’étais dit, mince alors, ce n’est pas un sujet de recherche qui nous concerne », déclare la Dre Field. Et elle s’est demandé pourquoi, étant donné que les cardiopathies congénitales sont un domaine en plein essor de la cardiologie chez les adultes atteints d’une maladie chronique. Cette croissance est en grande partie causée par les progrès spectaculaires réalisés au cours des dernières décennies en matière de diagnostic, d’intervention chirurgicale et de soins. Grâce à ces avancées, neuf enfants sur dix nés avec une malformation cardiaque atteignent maintenant l’âge adulte et vivent plus longtemps.
Chapitre 2 Le sexe et le genre à la loupe
La Dre Thalia Field a décelé une occasion de recherche intéressante : étudier la santé cérébrale de personnes atteintes d’une cardiopathie congénitale. En tant que professeure de médecine à l’Université de la Colombie-Britannique et titulaire de la Chaire de recherche sur les AVC de la famille Sauder/Fondation de maladies du cœur et de l’AVC, elle ne pouvait laisser passer cette occasion.
La Dre Thalia Field enseigne la médecine à l’Université de la Colombie-Britannique. Elle est également titulaire de la Chaire de recherche sur les AVC de la famille Sauder/Fondation des maladies du cœur et de l’AVC.
La santé cérébrale des femmes qui vivent avec une cardiopathie congénitale peut être affectée à certaines périodes de leur vie, par exemple lors d’une grossesse ou à la ménopause. Mais comment? C’est la question à laquelle la Dre Field veut répondre.
La Dre Field dirige actuellement une équipe multidisciplinaire pour mener une étude intitulée Lifespan Brain Health Trajectories in Congenital Heart Disease: the Role of Sex and Gender (Évolution de la santé cérébrale à toutes les étapes de la vie des personnes atteintes d’une cardiopathie congénitale : le rôle du sexe et du genre). Le projet a récemment reçu l’une des trois subventions pour la recherche sur les cardiopathies congénitales, cofinancées par les donateurs et donatrices de Cœur + AVC, la Fondation Brain Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada.
Notre objectif est de créer une carte des facteurs qui ont un effet sur la santé cérébrale – tant les facteurs de risque que les facteurs de protection – à toutes les étapes de la vie d’une personne atteinte d’une cardiopathie congénitale. L’équipe de recherche souhaite comprendre en quoi ces facteurs peuvent différer chez les hommes et les femmes.
« Nous analysons le sexe et le genre dans une perspective large, explique-t-elle. Et nous examinons comment le risque et la résilience se manifestent au cours de la vie, chez les personnes atteintes d’une cardiopathie congénitale. »
L’étude comporte trois parties :
Dans la première, l’équipe de recherche recueillera des données des recherches existantes pour synthétiser et chercher des tendances. « Beaucoup d’études d’imagerie cérébrale transversales de petite envergure ont été menées auprès de personnes de divers groupes d’âge présentant différentes malformations cardiaques au pays et ailleurs dans le monde, déclare la Dre Field. Nous utilisons donc ces données. Nous disposons de données relatives à différentes personnes (dont des hommes et des femmes) appartenant à divers groupes d’âge au fil du temps. Alors, quelles sont les différences si nous partons de ces données et les utilisons comme une estimation au cours de la vie? »
Dans la deuxième partie de l’étude, l’équipe de recherche communiquera de nouveau avec les enfants plus âgés nés avec des malformations cardiaques particulières et pour lesquels on dispose d’examens d’imagerie de leur cerveau effectués lorsqu’ils étaient nourrissons. Les enfants se prêteront à des évaluations cognitives, psychologiques et neurologiques, et on consignera leurs antécédents médicaux de façon détaillée. Les nouveaux examens d’imagerie révéleront comment leur cerveau a changé au fil du temps, et s’il pourrait y avoir des différences liées au sexe.
Dans la troisième partie, l’équipe de recherche appliquera des techniques d’analyse de la complexité aux données qu’elle aura recueillies. « La nature et l’orientation des facteurs liés à la santé et à l’environnement pouvant avoir des effets sur la cardiopathie congénitale au cours de la vie sont compliquées. Les facteurs peuvent être différents chez les hommes et les femmes en raison des manifestations biologiques, comme la grossesse et la ménopause, et des rôles sociaux. Nous utiliserons une technique analytique pour explorer les interconnexions entre les différents facteurs en vue de déterminer les meilleures cibles de traitement à l’avenir », déclare la Dre Field.
Chapitre 3 Une étude orientée par les patientes et patients
Les résultats de l’étude pourraient permettre de relier les points entre des facteurs qui n’ont jamais été connectés auparavant. Même si l’inspiration initiale de la Dre Field était de mieux comprendre le risque d’AVC chez les personnes atteintes d’une cardiopathie congénitale, elle est enthousiaste à l’idée de faire la lumière sur un sujet plus vaste, notamment le développement du cerveau et les effets sur la cognition.
« Nous avons maintenant cette occasion unique de suivre les personnes atteintes d’une cardiopathie congénitale à mesure qu’elles vieillissent, afin de découvrir ce qui suit : quels sont les risques accumulés à un jeune âge, et quels sont ceux accumulés au fil du temps, chez quelles personnes, et quels effets ces facteurs ont-ils sur la façon dont nous pouvons appliquer des stratégies préventives? En outre, nous découvrirons comment les différences en matière de santé cérébrale observées entre les personnes (hommes et femmes) qui ne sont pas atteintes d’une cardiopathie congénitale pourraient s’appliquer à ce groupe de personnes », affirme la Dre Field.
« Pour y arriver, notre équipe de recherche doit regrouper plusieurs disciplines – un aspect unique de cette étude, indique-t-elle. Je profite de la précieuse expertise de collègues en néonatologie, cardiologie, psychologie, psychiatrie, réadaptation, radiologie et neuro-imagerie. Il y a tant de perspectives intéressantes avec lesquelles nous pouvons travailler pour évaluer la complexité de ces maladies. »
L’équipe multidisciplinaire de la Dre Field met en lumière des perspectives essentielles pour comprendre le mystère entourant les cardiopathies congénitales.
Elle est particulièrement enthousiaste à l’égard des nouveaux apprentissages possibles relatifs aux effets du sexe et du genre. Par exemple, une recherche menée précédemment par Marie Brossard-Racine (également membre de l’équipe de la nouvelle étude) de l’Université McGill a montré des différences dans la circulation du sang vers le cerveau entre les jeunes femmes et jeunes hommes atteints d’une cardiopathie congénitale. « Nous devons maintenant déterminer les raisons de ces différences, affirme la Dre Field. Je pense qu’il y a beaucoup de choses que nous ignorons encore. »
Elle est particulièrement enthousiaste à l’égard des nouveaux apprentissages possibles relatifs aux effets du sexe et du genre. Par exemple, une recherche menée précédemment par Marie Brossard-Racine (également membre de l’équipe de la nouvelle étude) de l’Université McGill a montré des différences dans la circulation du sang vers le cerveau entre les jeunes femmes et jeunes hommes atteints d’une cardiopathie congénitale. « Nous devons maintenant déterminer les raisons de ces différences, affirme la Dre Field. Je pense qu’il y a beaucoup de choses que nous ignorons encore. »
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