C’était quelques jours avant Noël de 2015. Patti Mersereau-Leblanc avait couru près de 5 km, fait des achats à l’épicerie, et fait rôtir des légumes pour un repas communautaire qui aurait lieu en soirée à son église, à Winnipeg. Alors qu’elle transportait sa mijoteuse vers la voiture avant le service religieux, Patti a ressenti une étrange lourdeur dans la poitrine et une douleur vive dans le menton.
La situation s’est aggravée durant le trajet de deux minutes. « J’avais l’impression qu’un éléphant était assis sur ma poitrine, se rappelle Patti, alors âgée de 49 ans. Je ne pouvais pas respirer profondément. Je me souviens que je voulais que mon menton disparaisse tellement il me faisait mal. »
En dépit de la douleur, Patti ne croyait pas qu’elle était victime d’une crise cardiaque. Après tout, elle était une adepte de la course à pied depuis longtemps, et elle s’entraînait en vue de son premier ultra-marathon. De plus, elle surveillait son alimentation. Puis, dans le stationnement de l’église, elle a ressenti des picotements dans le bras. Elle a téléphoné à son mari, Dennis.
« Je pense que je fais une crise cardiaque. Compose le 9-1-1. Je vais être à la maison dans une minute. »
Quelques minutes plus tard, l’ambulance est arrivée. En route vers l’hôpital Saint-Boniface, les ambulanciers ont confirmé que Patti était victime d’une crise cardiaque.
La Dre Olga Toleva, cardiologue de garde à l’hôpital, a rapidement demandé des examens qui ont permis de voir les vaisseaux sanguins autour du cœur de Patti. Les images ont révélé deux déchirures dans les artères qui conduisent le sang au cœur. Elles ont confirmé ce que soupçonnait la Dre Toleva : la crise cardiaque de Patti avait été déclenchée par une dissection spontanée de l’artère coronaire (DSAC), un problème dangereux et très méconnu.
Cette affection survient à la suite d’une lésion soudaine dans une artère. Autrefois, on la croyait rare. De nos jours, des études montrent qu’il s’agit de la cause sous-jacente d’environ 25 % de toutes les crises cardiaques chez les femmes de moins de 60 ans. Quelque 90 % des patients atteints de la DSAC sont des femmes, et presque toutes sont jeunes et par ailleurs en bonne santé.
Pour compliquer les choses, la plupart des médecins ne connaissent pas bien ce problème, qui exige un œil exercé et un équipement d’imagerie spécialisé pour être détecté. La DSAC n’apparaît pas toujours sur une coronarographie, soit une radiographie réalisée généralement chez les patients victimes d’une crise cardiaque. Cet examen révèle la circulation du sang vers le cœur, mais non les problèmes structuraux dans la paroi des vaisseaux sanguins, comme une déchirure.
Des progrès dans la technologie d’imagerie ont permis une meilleure détection. Un appareil en particulier, soit la tomographie par cohérence optique (TCO), génère des images claires des artères d’un patient.
Savoir quoi chercher
Patti a eu de la chance que la Dre Toleva soit de garde ce soir-là. Cette dernière avait fait son internat avec la Dre Jacqueline Saw, principale experte en DSAC au pays, et a tout de suite reconnu le problème chez Patti.
La Dre Saw étudie cette affection mystérieuse depuis plus de sept ans, spécialement les causes. Elle a obtenu récemment une subvention de recherche de Cœur + AVC et du gouvernement fédéral dans le cadre de la nouvelle initiative de recherche de promotion de la santé du cœur des femmes. Son équipe à l’Université de la Colombie-Britannique procédera à l’analyse génétique de 750 personnes atteintes de DSAC, à la recherche de liens héréditaires potentiels.
« Il y a beaucoup de facteurs inconnus lorsqu’il s’agit de l’affaiblissement d’une artère. Chez bon nombre de ces patients, un facteur provoque la lésion, affirme la Dre Saw. Le stress physique ou un grave stress émotionnel, comme un décès dans la famille ou une perte d’emploi, peuvent provoquer une DSAC si les artères sont déjà fragiles. »
Il semble y avoir un lien avec la dysplasie fibromusculaire (DFM), une croissance excessive de cellules dans les artères, affaiblissant ces dernières et les rendant plus sujettes aux déchirures. Environ 70 % des victimes de DSAC, y compris Patti, avaient un problème sous-jacent de DFM. Ce qui cause cette dernière est un autre mystère que les chercheurs tentent d’éclaircir. D’autres problèmes peuvent aussi jouer un rôle, y compris la maladie du tissu conjonctif, la maladie inflammatoire, et des grossesses multiples.
La Dre Saw a remarqué que pour des patients comme Patti, mieux comprendre les résultats à long terme peut être rassurant.
Vivre avec une DSAC
Après avoir reçu son diagnostic, Patti a subi une intervention chirurgicale pour réparer la première lésion dans son artère. Une déchirure légèrement plus petite s’est guérie d’elle-même le jour suivant.
Lorsqu’elle était à l’hôpital, Patti a demandé à l’infirmière ce qu’elle savait au sujet de la DSAC. « Elle a consulté l’ordinateur et a imprimé un document trouvé sur Internet. C’est à peu près tout ce que j’ai eu comme information. »
Patti décrit la période entre sa crise cardiaque et le moment où elle a rencontré un cardiologue comme les quatre mois les plus longs de sa vie. « Je ne savais pas ce qui m’arrivait. Vous avez peur de vivre. Vous avez peur de mourir. Je ne pouvais pas rester allongée sur le divan éternellement. Mais en allant courir dehors, je pourrais provoquer une autre DSAC. »
Environ 20 % des patients de DSAC connaîtront un deuxième épisode dans les cinq années suivantes. Apprendre comment réduire les déclencheurs émotionnels et physiques pourrait aider à réduire le risque de récidive.
Patti s’est inscrite à un programme de réadaptation cardiaque de quatre mois. Elle a aussi profité des réponses et du soutien obtenus dans un groupe sur Facebook réunissant 1 800 autres survivants d’une DSAC. « C’est incroyable à quel point on peut guérir en écoutant le témoignage d’autres personnes. »
Selon Patti, la réadaptation lui a permis de reprendre son activité physique dans un milieu sécuritaire. Elle croit toujours fortement en un mode de vie sain. Même si elle a déjà participé à quatre courses depuis sa crise cardiaque, elle reconnaît que cette expérience lui a appris à ralentir.
« Si vous êtes un athlète, vous ne croyez pas avoir besoin de repos. Depuis ma DSAC, j’apprends à être moins exigeante envers moi-même et à écouter davantage mon cœur. »
- Lisez sur les maladies du cœur chez les femmes dans le Bulletin du cœur 2018 de Cœur + AVC.