De toute évidence, Denny Morrison n’était pas lui-même. Le quadruple médaillé olympique pouvait en temps normal se tenir en équilibre sans effort sur une lame d’un millimètre de large tout en patinant à 60 kilomètres à l’heure; soudainement, il arrivait à peine garder ses sandales à ses pieds. Et avait du mal à articuler.
Il se trouvait dans l’aire de repos d’une autoroute de l’Utah avec sa petite amie et coéquipière de l’époque, Josie Spence. Ils rentraient à Calgary après avoir fait du vélo le long de l’Arizona Trail. Denny ne savait pas ce qui lui arrivait ni qu’il pourrait bientôt se trouver en situation de vie ou de mort. Heureusement, Josie a reconnu les signes de l’AVC.
Elle a envoyé un message au gestionnaire médical de l’équipe canadienne de patinage de vitesse, qui lui a dit que Denny devait se rendre immédiatement à l’hôpital immédiatement.
C’était en 2016, tout juste un an après que Denny ait subi un grave accident de moto. Pendant son rétablissement post-AVC, Josie et lui se sont mariés. Tous deux ont ensuite participé aux Jeux olympiques de 2018 en Corée du Sud.
Denny a pris sa retraite du sport amateur au début de l’année 2020 et demeure l’un des patineurs sur longue piste les plus décorés de l’histoire du Canada.
Le jeune homme de 35 ans a fait part à Cœur + AVC de son rétablissement et de ses projets d’avenir.
Y a-t-il eu un moment de votre cheminement après l’AVC qui vous a marqué?
Lors de mon AVC, Josie m’a tenu la main et m’a dit que tout irait bien. Elle avait raison. C’est d’ailleurs pourquoi je l’appelle mon ange gardien.
« Josie m’a dit que tout irait bien. Elle avait raison. »
En tant qu’athlète de compétition, vous ne vous êtes peut-être pas considéré comme une personne à risque de subir un AVC.
Je me disais qu’un AVC, ça n’arrive qu’aux personnes âgées. Selon les médecins qui m’ont traité, mon accident de moto un an auparavant a engendré les conditions propices au développement d’un AVC, même si j’étais en bonne santé autrement. Je ne connaissais pas les séquelles de l’AVC et comment ça peut affecter le cerveau et l’humeur à long terme.
Quels effets l’AVC a-t-il eus sur vous?
Ma santé mentale en a pris un sérieux coup. J’ai remis en question plusieurs choses, dont mon identité. Je me suis demandé si j’étais quelqu’un d’autre parce que je trouvais que les gens me traitaient un peu différemment. Il y a eu des moments vraiment difficiles. Ça a été pour moi une nouvelle leçon de patience et d’humilité.
Comment avez-vous abordé votre rétablissement?
Lorsque j’étais à l’hôpital après mon AVC, les infirmières m’ont fait toucher mon nez, puis leur doigt, qu’elles déplaçaient. Je n’étais pas très doué pour ces exercices. Dès que l’infirmière a quitté la pièce, j’ai dit à Josie : « OK, je dois m’exercer. » Elle m’a aidé à faire ces exercices et m’a soutenu de bien d’autres façons durant mon rétablissement, après m’avoir sauvé la vie au moment de l’AVC.
Votre entraînement athlétique a donc influencé votre façon d’aborder votre rétablissement après l’AVC?
Les athlètes s’entraînent mentalement, j’ai donc décidé d’utiliser l’une de ces techniques en adoptant l’approche de pleine conscience, d’acceptation et d’engagement. J’ai essayé de prendre conscience de mon ressenti et de mes atouts. J’ai accepté les émotions négatives ainsi que les petites victoires. Et je me suis engagé à atteindre mes objectifs. On utilise cette approche en patinage de vitesse et elle m’a aidé à me remettre de l’AVC.
La plus importante leçon que je tire de cette expérience est que l’atteinte des objectifs individuels passe par le travail d’équipe. Josie m’a aidé et je l’ai aidée en retour; ensemble, nous sommes parvenus à nous qualifier pour les Jeux olympiques de 2018.
Pendant son rétablissement post-AVC, Josie et lui se sont mariés. Tous deux ont ensuite participé aux Jeux olympiques de 2018.
Quels défis avez-vous dû relever?
L’AVC a fait en sorte que je n’arrivais pas toujours à cerner le problème. Je n’étais pas blessé physiquement, ce qui aurait été plus facile à comprendre. L’AVC m’a ralenti, ce qui n’est pas idéal pour un patineur de vitesse!
Par exemple, j’ai eu une entrevue un mois ou deux après mon AVC. À l’époque, je pensais que je réfléchissais et que je parlais normalement, mais quand je regarde l’entrevue maintenant, je constate que j’étais vraiment au ralenti. Avec le soutien de Josie, j’ai pu accepter mes limitations et rester concentré sur mes objectifs.
Qu’en est-il de votre situation maintenant?
Après cinq ans, j’ai accepté ma nouvelle normalité. Le processus de rétablissement dans lequel je me suis engagé en vue de mes quatrièmes Jeux olympiques m’a permis de mieux comprendre à quel point il est important de faire preuve de détermination devant les difficultés pour atteindre ses objectifs, quels qu’ils soient.
J’ai envie d’apprendre de nouvelles choses qui m’aideront à continuer à aller de l’avant et je tiens à donner en retour autant que possible. J’ai récemment soumis ma candidature à différentes écoles de médecine un peu partout au pays. J’aimerais un jour réintégrer le monde sportif en combinant mes deux passions : le sport et aider les autres.
- Apprenez les signes de l’AVC.