De l’espoir pour une maladie du cœur rare
Chapitre 1 Un mystère médical
Lorsque John Pasternak s’est rendu à Kelowna, en Colombie-Britannique, pour jouer au golf avec quelques-uns de ses collègues médecins, il espérait arriver à suivre le rythme. La réalité a été tout autre : John se sentait essoufflé en montant les escaliers. Pourtant, à 62 ans, il savait qu’il aurait dû être en meilleure forme. De plus, son arthrite lui causait des douleurs à chaque pas. Il a pris des anti-inflammatoires, loué une voiturette et s’est dirigé vers le terrain de golf.
Très vite, les chevilles de John se sont mises à enfler, son ventre s’est gonflé et son souffle est devenu de plus en plus court. Il pouvait à peine marcher de la voiturette de golf au tertre de départ. Trois jours plus tard, il s’est rendu aux urgences de l’hôpital du coin.
La pression artérielle de John étant extrêmement élevée, le médecin a soupçonné une insuffisance cardiaque et hépatique. Il a ajusté sa médication pour que John soit en mesure de retourner chez lui, à Medicine Hat, en Alberta, où il a promis de faire les tests requis pour obtenir un diagnostic précis.
Au cours des mois suivants, John a consulté à plusieurs reprises son médecin de famille et un cardiologue. Ces professionnels de la santé essayaient d’interpréter les symptômes de John, qui avait entre autres eu un épisode de syndrome du canal carpien et d’engourdissement des pieds. Les tests ont finalement révélé que John souffrait d’une maladie rare et dangereuse appelée amylose cardiaque, qui provoque une insuffisance cardiaque. On la surnomme parfois l’Alzheimer du cœur.
Chapitre 2 La grande trompeuse
L’amylose désigne un groupe de maladies dans lesquelles les protéines anormalement repliées forment des dépôts collants, appelés plaques amyloïdes, qui s’accumulent et endommagent les tissus et les organes. De nombreux professionnels de la santé connaissent bien peu l’amylose cardiaque et, par conséquent, elle est probablement sous-diagnostiquée.
« Nous l’appelons la grande trompeuse, car elle se fait souvent passer pour autre chose », explique le Dr Nowell Fine, cardiologue et directeur clinique du Libin Cardiovascular Institute de Calgary, qui s’occupe de John. Le Dr Fine, qui est également un chercheur subventionné par Cœur + AVC, précise que l’amylose cardiaque est rare et qu’il est facile de la confondre avec d’autres types de maladies du cœur.
« Nous pensons que beaucoup de gens ont cette maladie sans le savoir », poursuit-il. « Les cas que nous connaissons aujourd’hui ne sont que la pointe de l’iceberg. » Il n’existe pas de statistiques fiables sur l’amylose cardiaque au Canada ou ailleurs.
Des experts comme le Dr Fine essaient de sensibiliser les médecins à cette maladie pour qu’ils sachent la diagnostiquer. En attendant, de nouveaux médicaments aident les patients comme John à demeurer en santé.
L’amylose à transthyrétine (ATTR) de type sauvage, dont John est atteint et qui est causée par le repliement anormal de la protéine appelée transthyrétine, est le type d’amylose cardiaque le plus courant. Elle touche surtout les hommes âgés et peut se manifester d’abord par un syndrome du canal carpien. Le Dr Fine traite environ 200 patients atteints d’amylose ATTR de type sauvage.
Le second type, plus rare, est appelé amylose héréditaire à transthyrétine. Cette maladie est causée par des mutations génétiques de la protéine transthyrétine et peut endommager le cœur, le système nerveux et d’autres organes. Le Dr Fine traite environ 20 personnes atteintes de ce type d’amylose.
Chapitre 3 De nouveaux traitements prometteurs
« Jusqu’à récemment, nous n’avions pas de traitements approuvés », rapporte le Dr Fine. Les patients atteints de l’amylose ATTR de type sauvage ne vivaient souvent que de trois à cinq ans.
En 2019, John a appris qu’il pourrait participer à un essai clinique pour un nouveau médicament qui se lie à la protéine transthyrétine, la stabilise et l’empêche de former des plaques amyloïdes et d’endommager les organes. « Le médicament ne répare pas les dommages déjà causés, mais il semble contribuer à prévenir d’autres problèmes », souligne le Dr Fine.
Le cardiologue affirme qu’il y a beaucoup d’autres médicaments en développement. « C’est extraordinaire qu’une maladie rare fasse l’objet d’autant de recherches et de progrès », se réjouit-il. Il participe au lancement du Canadian Registry for Amyloidosis Research (registre canadien de recherche sur l’amylose) pour favoriser l’établissement de la prévalence de l’amylose cardiaque et l’organisation d’autres recherches en la matière.
Aujourd’hui, la pression artérielle de John s’est stabilisée, il peut monter les escaliers sans se sentir essoufflé et il est capable de travailler. Il a fermé sa clinique de médecine familiale et travaille maintenant comme assistant en chirurgie, un emploi qu’il adore. À 65 ans, il peut encore faire du ski et jouer au golf. « Je joue avec un chariot électrique. Ça me permet de me déplacer plus facilement sur le parcours et n’enlève rien au plaisir de jouer. »