« J’ai une famille aimante, mais après quelques jours, tout le monde a retrouvé une vie normale. La mienne ne le sera plus jamais. »
J’assistais récemment à une conférence sur les maladies du cœur où une patiente a prononcé ces mots devant les centaines de personnes réunies. C’était par rapport à son expérience à la suite d’une intervention valvulaire. Il y a deux ans, je l’aurais écoutée en trouvant son histoire intéressante et touchante, mais sans plus.
Maintenant, par contre, depuis que j’ai reçu un diagnostic de maladie du cœur, ces mots prennent un tout autre sens. Je me les répète souvent, car ils sont si vrais.
D’abord, j’en suis conscient, la situation de bien des gens est pire que la mienne. Je n’ai pas subi de crise cardiaque ni de chirurgie. Quand on est atteint d’une maladie chronique, cependant, impossible de s’en sauver. Elle est là le matin au réveil et le soir avant d’aller au lit (littéralement dans mon cas, car c’est à ce moment que je dois prendre mes médicaments).
Je suis toujours aussi actif qu’avant et mon alimentation n’a pas vraiment changé (j’y reviendrai), mais il y a toujours cette chose qui me reste en tête.
Avant et après
Avant mon diagnostic, j’avais des palpitations cardiaques lorsque j’allais nager, quelques fois par semaine. J’ai attendu des mois avant de consulter mon collègue cardiologue, car j’avais peur de ce qu’il me dirait (alors que je suis moi-même un chercheur expert en réadaptation cardiologique, imaginez). Ma plus grande préoccupation? Je ne voulais pas devoir arrêter l’entraînement et la compétition de haut niveau.
C’est au moment où j’ai parlé de mon rythme cardiaque à ma femme que les choses se sont mises à bouger.
Mon cardiologue m’a demandé d’arrêter la nage jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de danger pour moi. Il s’inquiétait, avec raison, du risque que je perde connaissance dans la piscine si mes palpitations ne cessaient pas rapidement.
Le bêtabloquant qu’il m’a prescrit a fait le travail, car mes palpitations ont quasiment disparu. Par contre, les tests ont dévoilé un blocage de 20 % de mon artère interventriculaire antérieure, l’une des principales artères du cœur. Le chiffre n’est peut-être pas énorme, mais c’était un choc pour moi. Je suis le chercheur, celui qui aide les gens à prévenir les maladies du cœur; je ne suis pas censé être le patient.
Ma femme, ma famille, mes amis et mes collègues m’ont tous apporté un incroyable soutien. Ils ont été merveilleux. Mais, après quelques semaines, la vie a repris son cours normal. C’est un peu comme lorsque le jeu Pokémon Go est sorti en 2016. Tout le monde y jouait ou en parlait, mais maintenant? Eh bien, vous connaissez la suite!
Ma nouvelle réalité
Pour moi, la vie n’est plus comme avant. Je dois composer avec une nouvelle réalité, et ce n’est pas le fait de devoir prendre des médicaments régulièrement. Je dois plutôt me faire à l’idée que la maladie sera toujours là, me poussant à me questionner à la moindre chose qui survient.
Le jour après la conférence, par exemple, j’avais un mal de tête, non pas fulgurant, mais plutôt léger, comme quand on est déshydraté. J’ai bu de l’eau, mais la douleur a persisté toute la journée. Son intensité a varié pendant quelques jours, puis elle a été plus aiguë autour de mon œil droit.
Je me suis mis à repenser aux signes de l’AVC pour voir si je présentais l’un d’eux. Je pouvais toujours parler correctement, ma vue n’était pas embrouillée (d’un œil, du moins) et je pouvais lever les bras normalement. C’est une bonne chose que mon bureau soit privé, car autrement, les gens auraient pu penser que je faisais un AVC.
Vous vous demandez peut-être pourquoi je n’ai pas consulté un médecin. Bonne question. J’ai décidé d’attendre quelques jours pour voir si les choses se placeraient, ou si elles empireraient. Et puis, j’étais paresseux. Oui, vous avez bien lu. Je ne voulais pas en faire tout un plat, et je n’étais pas convaincu de faire un AVC.
Après-coup, je me suis dit que le mal de tête était probablement dû à un rhume ou au voyage en avion. Toute cette situation m’a quand même causé de l’anxiété.
Ces derniers temps, et parce que j’écris cet article, je porte plus attention à mon alimentation. Ma femme est nutritionniste, mais cela ne veut pas dire que nous sommes parfaits. En fait, il y a quelques semaines, je lui en voulais d’avoir acheté du chocolat en rabais après Pâques. Je ne peux pas m’empêcher d’en manger; c’est si bon! Après quelques jours passés à manger un ou deux œufs en chocolat quotidiennement, j’ai commencé à visualiser le sucre formant des plaques dans mes artères, empirant la situation. Ma femme avait-elle oublié que je suis atteint d’une maladie du cœur?
La semaine d’après, elle a acheté une demi-douzaine de scones aux fruits recouverts de glaçage. J’en ai mangé un, puis j’ai dit à ma femme : « Arrête de ramener du chocolat et des pâtisseries à la maison. J’ai une maladie du cœur; essaies-tu de me tuer? » C’était peut-être un peu exagéré de ma part.
Apprendre et vivre
Mon diagnostic de maladie du cœur ne m’a pas apporté que du négatif (je viens vraiment d’écrire cela?). Il me permet de mieux saisir le contexte de mon travail, et de me mettre dans la peau de mes patients pour comprendre leurs besoins. Je sens que je suis un meilleur professeur; j’ai fait part de mon histoire à mes étudiants en classe.
Raconter mon histoire m’a apporté un certain réconfort, et même une force. Au début, je croyais que ce ne serait bénéfique que pour eux. Maintenant, je sais que m’ouvrir m’a permis de connecter avec des gens (des personnes que j’ai connues, mais pas toujours) aussi atteints d’une maladie chronique.
On peut apprendre les uns des autres, mais ce n’est pas le plus important. Simplement parler à quelqu’un qui peut nous comprendre ou qui a vécu une situation semblable à la nôtre peut aider. Même une personne qui écoute sans rien dire peut être d’une grande aide. Parler de ma situation m’a rendu plus fort.
J’aimerais remercier la femme qui s’est levée pour raconter son histoire lors de la conférence. Ce faisant, elle a rappelé à tous que personne n’est seul et elle nous a encouragés à raconter notre histoire pour le bien des autres, mais surtout, de soi.
Le Dr Scott Lear est un chercheur réputé en prévention et en gestion des maladies du cœur. Il est titulaire de la Chaire de recherche en prévention des maladies cardiovasculaires à l’hôpital St. Paul’s, à Vancouver, de Pfizer/Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, et professeur à la Faculté des sciences de la santé et au département de physiologie et de kinésiologie biomédicales de l’Université Simon Fraser. Le Dr Lear est atteint d’une maladie du cœur. Lisez son blogue, en anglais seulement, à l’adresse drscottlear.com.
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